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Jean-Jacques Laurent
Ironie d'un Sort
Jean-Jacques Laurent est né à
Limoges en 1943. Il vit et travaille à Vallauris où
sa famille est venue s'installer alors qu'il était encore
enfant. Issu d'un milieu de potiers et d'artistes, il a été
familier de tous les mythes de l'art moderne dont le souvenir hante
encore le Sud, et a côtoyé des personnalités
comme Prévert ou Picasso.
De cette familiarité Jean-Jacques Laurent a tiré plus
de violence que de douceur dans ces rapports avec l'art. Il peint
comme on lutte, avec brutalité, en prenant volontiers les
matières et outils à contresens, en explorant des
supports de récupération, en cherchant à inscrire
ses traces moins dans un tête à tête avec les
grandes références de l'histoire de l'art que dans
une conversation avec toutes les vies qui se déposent dans
nos déchets.
L'uvre de Jean-Jacques Laurent épouse les accidents
du monde, elle prend forme en respectant les pauvres formes qui
marquent les espaces qu'il investit, elle naît - ou peu à
peu se lève, comme on le dit d'une brume - d'une confrontation
lente, longue, méditative et ruminante entre le peintre et
les supports, les traces, les taches, les matières, les colorants.
La toile ou le papier sont des morceaux du monde : l'artiste qui
s'y tient (car il s'y tient ou il s'y campe, comme on le fait sur
un territoire qu'on découvre, qu'on va explorer, qu'on va
faire sien, transformer) les lit, les interprète, leur donne
sens.
De cet impact entre l'artiste et ces morceaux
du monde surgissent de nouveaux morceaux du monde (des morceaux
d'un monde nouveau ?) riches de couleurs assourdies, de diffusions
et de ruptures : ils sont peuplés de personnages aux allures
vaguement féminines et qui, sans doute, sont moins des images
de femmes que celle de la peinture, la terrible maîtresse
Raphaël Monticelli - 1998
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